Rencontre avec Dolores, Dominique et Pierre

La pension de famille Vincent Compoint est située dans le 18^eme arrondissement, près d’une rue animée où les gens viennent faire leur marché tous les jours. Quand on pousse la porte d’entrée, l’odeur du café et le murmure de la télé nous invitent dans l’intimité de ces hommes et femmes qui habitent désormais dans ce vieil immeuble rénové.
 
Mona Nasser, la responsable de l’établissement, veille au bon fonctionnement de la maison. Tout, ici, passe par elle : l’organisation quotidienne, l’animation des bénévoles, le suivi des dossiers parfois difficiles des personnes accompagnées, les réparations diverses jusqu’au transvasement de l’énorme Yucca qui trône dans la courette. Elle insuffle une bonne humeur générale et apporte une harmonie nécessaire pour bien gérer les relations entre locataires.

Ici, c’est un endroit où après bien des galères et des passages à la rue et dans des hébergements d’urgence, les personnes peuvent se reconstruire. Elles ont enfin une salle de bain à eux, des sanitaires propres et une kitchenette où elles peuvent préparer leurs repas. Au mur, il y a des chevaux qui galopent devant un coucher du soleil, des cartes postales de vacances, des petits tableaux naïfs. Une table, des chaises pour les amis, un lit et une télé. Ce n’est pas très grand mais c’est chez eux et c’est ce que l’on peut lire dans leurs yeux lorsqu’ils ouvrent la porte dont ils ont désormais la clé.
 

Pierre est arrivé ici, il y a 9 ans. Ancien militaire puis policier, il a dû tout arrêter pour se consacrer à ses parents et grands-parents malades avant de les voir disparaître les uns après les autres. Les blessures de l’âme ne se voient pas sur son visage mais elles se devinent dans ses propos lorsqu’il relate les deux années qu’il a passé sous une tente au cœur du bois de Vincennes. Lorsqu’il a été découvert par les services de la ville de Paris, il a entamé des années de galère passant d’hôtel en hôtel avant d’atterrir par chance à Vincent Compoint. Ici, il a pu se poser et prendre soin de lui. Les livres sont sa passion et il les dévore avec gourmandise comme des chocolats. C’est sa façon à lui de s’évader.

Dominique, lui, est tombé gravement malade pendant la période Covid et il parle comme un rescapé qui a frôlé la mort plusieurs fois. Son sourire s’éternise pourtant quand il raconte les retrouvailles avec les locataires de la pension de famille. Ils ne s’entendent pas tous, c’est normal. Mais il y a tout de même ici un lien qui les unit plus fort qu’ailleurs. Ils ont tous traversé plusieurs vies et sans se le dire, ils savent se confier ce respect que d’autres n’ont pas voulu leur donner. Dominique était agent immobilier pendant 18 ans avant d’être licencié. Un accident de la vie qui l’a mené dans une spirale infernale dont il paye encore le prix fort.

Dolores est nouvelle dans l’établissement. Une chance, dit-elle. Elle a son petit studio qui vient d’être refait à neuf et qu’elle est en train d’aménager à son goût. Il manque encore une commode mais l’essentiel est là. L’essentiel, c’est d’être entourée. Par Mona, tout d’abord, par les autres locataires avec qui elle joue au scrabble et au tarot, par les bénévoles qui viennent offrir un peu de temps pour organiser des séances de remise en forme, par ce quartier vivant au bout de la rue. Elle sait qu’elle a enfin mis les pieds dans un endroit qui fait attention à elle et la protège. Après la violence qu’elle a connue dans sa vie, elle a besoin d’apaisement. La pension de famille Vincent Compoint, c’est son nouveau départ."

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Texte et photos : Gaelle Warner