La Fondation Louise Roulin, sous égide de la Fondation des petits frères des Pauvres, a accueilli à Paris, du 12 au 15 avril 2016, RL Rosario, président de l'association POPE qui développe depuis 2013 un programme de sensibilisation et d’activités en faveur des personnes âgées de la communauté dalit (ceux que Gandhi appelait les intouchables) en Inde du Sud, dans l’état du Tamil Nadu.
Comment est né ce mouvement en Inde ?
En 1987, alors que j'étais étudiant, j'ai pris conscience du problème de l'illettrisme au sein de la communauté dalit (intouchables). J'ai donc initié avec d'autres amis un mouvement en faveur de l'éducation des enfants et des jeunes dans la région de Tiruvanamalai au Tamil Nadu en créant l’association POPE (People Organization for Planning and Education). Dans les années 2000, nous avons commencé à lutter contre le travail des enfants pour leur donner la possibilité de vivre une vie d’enfant et d’être scolarisés. Puis, en 2012 alors que nous fêtions les 25 ans de POPE et dressions le bilan en regardant vers le futur, nous avons pris conscience du fait que rien n'était fait pour les personnes âgées dalits et qu’elles étaient de plus en plus marginalisées dans la communauté. Nous avons donc décidé de lancer un programme en leur faveur en l’étendant aux populations tribales de la région des Jawadhu Hills où nous intervenons aussi.
La désintégration du système de la famille élargie, l’exode rural, l’industrialisation et l’urbanisation grandissante, la montée de l’individualisme, l’augmentation du coût de la vie due à la crise ainsi que les changements de valeurs sociales chez les jeunes, tout cela a un impact sur les personnes âgées. Elles sont délaissées, voire même rejetées et souvent maltraitées par les familles avec qui elles vivent car elles sont à la charge de ceux qui travaillent.
En quoi consiste ce programme ?
Dans un premier temps, nous avons recensé dans les villages où nous intervenions de façon régulière les personnes âgées en difficulté. Nous avons initié un recrutement de bénévoles et une première formation. Puis nous avons lancé des « camps » de santé pour les personnes âgées identifiées : le bus de POPE et des taxis collectifs vont les chercher dans les villages, un médecin ou un ophtalmologiste les examine et leur prescrit si nécessaire médicaments (fournis par POPE), lunettes ou opération de la cataracte ; puis nous leur servons un repas équilibré et enfin quelques activités récréatives simples clôturent la journée avant de les ramener chez elles.
Aujourd’hui, ce sont 350 personnes âgées, qui bénéficient de ce programme, accompagnées ou aidées par environ 360 bénévoles répartis sur tout le territoire sur lequel nous intervenons. |
En parallèle, nous avons lancé des expérimentations :
- 15 places pour les personnes âgées les plus démunies dans un petit bâtiment situé au sein de notre campus où les personnes les plus fragiles viennent quelques jours pour être nourries et sortir de leur environnement familial.
- Des sorties collectives à la journée dans des lieux où les personnes âgées n’ont jamais eu les moyens d’aller (sanctuaires dédiés à Marie, temples hindous connus, …).
- Dans un village, un groupe de femmes prend en charge tous les jours l’occupation et le repas des personnes âgées du village, et ce grâce aux revenus de la vente du lait des vaches fournies par POPE.
- Une rencontre entre ONG menant des actions en faveur des personnes âgées dalits en Inde du Sud pour échanger et partager les bonnes pratiques.
Qu’apporte ce programme aux personnes âgées ?
Toutes nos discussions en France avec les différentes équipes des petits frères des Pauvres ou encore celle chargée du développement de l’action au Mexique nous ont montré que les bénéfices de ces actions, même élémentaires, étaient partout les mêmes :
- Faire sortir une personne âgée de son milieu de vie familial lui permet de parler de sa santé, de ses difficultés de vie, des éventuelles maltraitances familiales, …
- Pour beaucoup, bénéficier d’un suivi médical, même rudimentaire, est quelque chose d’entièrement nouveau.
- Enfin prendre soin d’elles partager un repas, venir passer un après-midi en collectif permet à ces personnes âgées de retrouver une certaine estime d’elles-mêmes. Le campus de Thallakulam sur lequel évoluent la trentaine de garçons du pensionnat et les jeunes du centre d’apprentissage leur apporte un supplément de considération et de bienveillance.
Qu’est-ce qui a changé depuis le début du programme en 2013 ?
En premier lieu, c’est la mentalité des personnes de la communauté dalit, en particulier chez les jeunes, qui a évolué. Les sorties, le fait d’accueillir les personnes âgées dans le cadre des camps de santé, ont fait changer le regard que la communauté porte sur elles et permettent petit à petit de les réintégrer dans la vie de la collectivité.
Le mouvement initié par POPE a aussi eu un impact sur la société qui entoure la communauté dalit : associations, chanteurs dalits, avocats, …, se montrent maintenant intéressés par la question des personnes âgées.
Enfin, les personnes âgées sortent progressivement de leur isolement : elles peuvent contacter les bénévoles de POPE lorsqu’elles ont des problèmes de santé, des difficultés familiales, etc. Il y a des lieux où elles peuvent être nourries, soignées, écoutées : ce sont les camps sociaux ou de santé, l’accueil temporaire de Thallakulam, avec les infirmières, les bénévoles.
Grâce à la Fondation Louise Roulin, sous égide de la Fondation des petits frères des Pauvres, un mouvement est vraiment en train de naître, mouvement de prise de conscience de la situation des personnes âgées de la communauté dalit et mouvement de bénévoles engagés en leur faveur.